Pourquoi, mon cœur, encore une fois tant d'inquiétude, tant d'émoi? Je suis revenue chez moi, venant de l'Etranger où j'ai construit un foyer depuis de longues années. Pourquoi, arrivée dans mon pays, me fais-tu ressentir tant de nostalgie? Pourquoi, maintenant, ce désir poignant de retourner «à la maison» - et de ne pas savoir où la chercher? Le pays du père? Il n'existe plus-devenu la Pologne. Le pays de la mère? Il s'appelle toujours la Westphalie; mais en ville, beaucoup de gens aux yeux de braise, aux cheveux noirs, très noirs de Turquie. La demeure des parents? Il n'y a que celle du repos durement mérité, et éternel. L'Allemagne? Devenue une autre; réunifiée, mais différente dans son état d'esprit, très inquiète, en proie à des problèmes cruels jusqu'alors inconnus pour elle. Enfin dans ma ville! Et souffrir du mal du pays ... Mais de quel pays? Et comment le trouver? Tais-toi, mon cœur, retiens tes larmes, je sais qu'il existe, tout près d'ici. Regarde les étoiles dans ce ciel d'automne, mais ne t'éloigne pas, reste là, écoute ceci! Ecoute ces sons familiers, venus directement du pays que tu cherchais avec tant d'avidité. Ecoute-les vibrer, gronder, s'amplifier, emplir la ruelle, la ville, la nuit étoilée. Laisse-les t'entraîner vers la grande place du marché, ces sons qui te cognent sans te blesser. Ils font partie du pays auquel tu rêvais avec tant de nostalgie, de regrets. Ils ont autrefois rythmé ta vie, t'ont fait pressentir les grandes joies des fêtes de Pâques, de Noël et de St. Libori. Ils émanent des cloches de ta cathédrale, sanctuaire de ce sur quoi tu as construit ta vie, soutien dans ta quête pour sortir du dédale. Mon cœur, ce que tu cherchais à l'infini ce n'était pas une nation, un lieu, une maison que, pour trop d'années au loin, tu croyais perdus à raison. Tu avais le mal de ton enfance, de ta jeunesse, d'un paradis depuis longtemps évanoui. Le voilà, ton pays et que tu peux faire renaître quand tu le veux, sans chagrin, sans souci de le voir disparaître un jour ou une sombre nuit. Son nom est Souvenir, son lieu-ta mémoire et c'est toi, toi seule qui lui donne la vie. Maria Busnot, Paderborn, novembre 1993. |
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